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Les présentations PowerPoint détournées sur Tiktok

3 juillet 2022

Tik Tok slides powerpoint

Les présentations PowerPoint détournées sur Tiktok

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Publié le 04 mai 2022 à 20h30 – Mis à jour le 05 mai 2022 à 08h27

Une dizaine d’amis réunis autour d’un grand écran, verre à la main, des chips sur la table basse, beaucoup de rires mais, pourtant, on est loin d’être dans une soirée film traditionnelle. Devant la télévision, les convives se succèdent pour des présentations « faites maison » sur des thèmes plus ou moins insolites : « Si vous étiez des personnages dans Shrek »« Mes pires ex, du plus au moins traumatisant »« Quelle célébrité pourrait me rendre hétéro ? »… Baptisé « soirées PowerPoint » (PowerPoint Nights en anglais), le concept est bien souvent filmé et des extraits postés sur les réseaux sociaux, notamment sur TikTok, où elles font un carton : comptez plusieurs millions de vues pour certaines vidéos, 214 millions sur le hashtag du même nom. Au point que sur la plate-forme, l’entreprise Microsoft, elle-même, créatrice du programme PowerPoint, en parle sur son propre compte.

« Avec une amie, on cherchait une activité ludique et c’est en regardant TikTok qu’on a eu envie d’organiser une soirée diaporama, s’exclame Chloé, 21 ans. On avait l’impression que c’était quelque chose de super important qu’on allait rendre à un prof. Pour certains, c’était plus stressant et important de réussir ce diaporama que de préparer un vrai devoir. » L’étudiante en communication filme des extraits de sa soirée entre amis et met la vidéo sur le réseau social : en quelques heures, elle obtient plus d’un million de vues.

Le grand détournement

Au-delà des soirées diaporama, TikTok se nourrit aussi de nombreuses vidéos d’ados et de jeunes adultes présentant un PowerPoint face caméra, dans le but de convaincre. Comme Inès, 22 ans, qui a filmé la présentation envoyée à son ex pour le reconquérir, où les mèmes se mêlent à de vrais arguments pour qu’ils se remettent ensemble. « Je me suis dit que quitte à reprendre contact avec lui, autant faire un truc drôle et de goût. Sans mentir, cette présentation n’était pas censée finir sur TikTok, mais je me suis dit que ça pourrait faire rire certaines personnes », confie-t-elle.

La soudaine popularité d’un outil assez daté (Microsoft sort le logiciel en 1990) auprès d’une génération plutôt habituée aux outils numériques plus complexes interroge : alors que depuis le début des années 2000, sociologues et chercheurs en marketing dénoncent la « pensée PowerPoint » et accusent le format des présentations en liste d’appauvrir la réflexion, pourquoi la « génération Z » fait-elle ressurgir les « slides » d’entre les morts ?

La génération TikTok est l’une des premières à avoir connu l’enseignement PowerPoint durant toute sa scolarité. « C’est un instrument de l’école, idéal à détourner et avec lequel jouer. Ils sont dans le prolongement de la critique qui existe envers cet outil, en le tournant en dérision », constate Valérie Beaudouin, sociologue spécialiste des usages du numérique. Une vision confirmée par Chloé, qui voit dans ces soirées PowerPoint la possibilité « de désacraliser la présentation, qui peut être stressante ». Une bonne béquille pour une génération qui a aussi grandi avec les injonctions posées par les réseaux sociaux : celle de devoir bien parler, avoir de la repartie, être à l’aise face à un auditoire, en ligne ou hors-ligne.

Pour Chloé, l’utilisation des outils « sérieux » pour des usages plus ludiques n’est pas étonnante. « On est une génération qui a besoin de nouveauté, de sensations, de mouvement. Ce sont des outils qui se veulent sérieux mais qui sont ennuyeux. Les détourner permet d’exprimer ce qu’on veut », constate l’étudiante. Exprimer, mais surtout convaincre. Thu Trinh-Bouvier, experte en communication numérique, l’affirme : « Cette génération reprend les codes des réseaux sociaux : slides avec des images impactantes, propos assurés, pour parler de différents sujets et faire part de leur expertise. »

Un jeu qui mixe les codes, ceux de TikTok d’un côté, notamment grâce à la possibilité d’insérer des images derrière soi (l’option green screen, « écran vert »), et ceux des grandes présentations TED Talks de l’autre. Ainsi, de nombreux comptes TikTok élaborent leurs théories sur certaines séries télévisées, des affaires criminelles ou commentent les tenues des stars sur le tapis rouge. Un argumentaire qui prend la forme de nouveaux contenus hybrides, entre images, vidéos et sons.

Aux sources de l’économie de l’attention

Thu Trinh-Bouvier parle ainsi de pic speech, c’est-à-dire d’image conversationnelle, pour décrire le mode de communication des plus jeunes, des émojis aux « stories » Instagram, dont l’émotion est un vecteur central. Un fonctionnement finalement pas si éloigné de celui des PowerPoint d’autrefois, qui demande à être efficace, à capter l’attention du public en permanence en jouant sur la complémentarité entre la parole et l’image. Déjà, en 2009, Valérie Beaudouin parlait du logiciel comme représentatif d’une économie de l’attention, dans lequel nous n’avons cessé de plonger au fil des plates-formes et des notifications. Des présentations PowerPoint jusqu’à TikTok, en passant par les vidéos YouTube face caméra, il n’y a qu’un grand pas temporel.

Sur l’application chinoise, derrière les diaporamas, on retrouve d’ailleurs en grande majorité des jeunes filles, habituées très tôt au marketing de soi et de son image. Sans en être des victimes, elles jouent de ces mises en scène, nettoient leur feed (galerie photos) Instagram au fil de leurs évolutions et de leurs regards sur elles-mêmes. « On voit cette capacité à narrer leur quotidien, et de façon assez fine », constate Thu Trinh-Bouvier. Et à partager leur intimité, de leurs soirées diapos aux présentations pour séduire leur crush.

Inès se rappelle presque avec émotion des présentations PowerPoint qu’elle faisait pendant ses études. « C’était l’une des parties que j’aimais le plus parce que je pouvais laisser libre cours à mon imagination pour placer mes idées face à mon discours. Dans mon travail actuel, je n’ai plus trop l’occasion d’utiliser ce logiciel, donc ça m’a rendu aussi un peu nostalgique de le réutiliser », développe-t-elle. Car il y a peut-être aussi de cela, dans le succès des PowerPoint sur TikTok : jouer avec des supports qu’on ne peut pas (ou plus) utiliser ailleurs, sans trop se prendre au sérieux, face à ses amis… ou à des millions de spectateurs

https://www.lemonde.fr/pixels/article/2022/05/04/sur-tiktok-le-succes-inattendu-des-presentations-powerpoint_6124787_4408996.html

Les médias en parlent

GQ Magazine : Gifs, émojis, mèmes… vous avez le code ?

16 juin 2015

Retrouvez l’article sur GQ
http://www.gqmagazine.fr/pop-culture/news/articles/gifs-emojis-memes-vous-avez-le-code-/26206

GQ Magazine Juillet 2015

GQ Magazine Juillet 2015

Pic speech dans GQ

Pic speech dans GQ de juillet 2015


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http://www.gqmagazine.fr/pop-culture/web/articles/gifs-emojis-memes-vous-avez-le-code-/26206
(extrait du dossier de 6 pages sur le sujet)

Par Vincent Cocquebert et Elsa Ferreira © Superbirds – article publié dans GQ magazine du mois de juillet

Dans la communication moderne, les mots sont de plus en plus souvent remplacés par des images et autres pictogrammes. Un nouveau langage théorisé sous le nom de « pic speech ». Émergence d’un espéranto 2.0 ou dernier avatar du snobisme ? GQ tente de percer l’avenir promis à ce drôle de phénomène viral.

L’hommage n’est pas passé inaperçu. À l’occasion de la dernière visite officielle du Premier ministre japonais, Shinzo Abe, aux États-Unis, fin avril, Barack Obama s’est lancé dans une tirade inattendue: « C’est aujourd’hui l’occasion pour les Américains – et spécialement les jeunes – de dire merci pour toutes ces choses qui viennent du Japon et que nous aimons. Comme le karaté, le karaoké, les mangas, les “animé” et, bien entendu, les émojis ».

Il est vrai que l’Amérique a toujours su digérer efficacement la culture nipponne, et surtout la mettre à profit. Si le karaté a donné Chuck Norris, les smileys et autres émojis (ou émoticônes en français) ont, quant à eux, été intégrés en version animée au système de communication novateur de l’Apple Watch, jusqu’à en constituer un des principaux arguments de vente. Une preuve de l’omniprésence grandissante de ces images iconiques dans nos paysages mentaux.

De notre côté de l’Atlantique, Julien, 35 ans, chef de projet, s’est mis lui aussi à poster des images à ses collègues pour leur rappeler subtilement les dates de rendu de leurs dossiers. « J’ai commencé en leur envoyant des gifs tirés de films comme Shining ou Les Tontons flingueurs. L’idée était de jouer sur l’humour pour responsabiliser mes collaborateurs sans avoir l’impression de devoir jouer au flic, car les mots ne suffisaient tout simplement plus. »

Mais quelle est cette langue étrange qui parle aujourd’hui aux ados comme aux cadres du tertiaire ? Réponse : le Pic speech. « C’est un mélange d’images et de texte qui occupe une partie toujours plus importante de nos échanges numériques », explique la chercheuse Thu Trinh-Bouvier, responsable des nouveaux médias chez Vivendi et auteure de Parlez-vous Pic Speech ? (éd. Kawa). Gifs, émojis, courts messages vidéo éphémères (Snapchat), photos et boucles d’images (Vine, Instagram), mèmes pompés à l’infini (par pitié, arrêtez avec Batman collant une claque à Robin)… Nos élans communicationnels utilisent de plus en plus régulièrement la voie de ces dialogues imagés. L’équipe d’Instagram a ainsi noté une baisse régulière de l’argot Internet de type « LOL » dans les légendes de ses photos et une augmentation concomitante des émojis, qui, en France, pimentent désormais 50 % des posts du réseau social.
De quoi accréditer encore davantage la thèse de son cofondateur Kevin Systrom : « Nous passons d’un web fondé sur le texte à un autre basé sur l’image. C’est très excitant de participer à ce mouvement », analysait-il début mars dans les colonnes des Échos.
(extrait du dossier de 6 pages sur le sujet)

GQ Magazine - Quel Pic Speecher êtes-vous ?

GQ Magazine – Quel Pic Speecher êtes-vous ?

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Retrouvez l’intégralité de l’article dans GQ – juillet 2015

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Les médias en parlent

Le Monde : L’image, nouveau langage des ados

15 juin 2015
pic-speech-lemonde

Article du Monde

Par Pascale Krémer – Article paru dans Le magazine du Monde le 9 mars 2015

Pour en savoir +
http://www.lemonde.fr/m-amour-consequences/article/2015/03/05/l-image-nouveau-langage-des-ados_4588247_4497959.html

Vous expliquez que les jeunes gens nés depuis 1995, donc avec Internet, et connectés en permanence via leur téléphone portable, ont développé une nouvelle langue. En quoi consiste-t-elle ?

Les ados manient désormais une langue particulière que j’appelle le pic speech (pour picture speech), un langage des images au sens large, qu’on pourrait aussi appeler « Parlimage ». C’est un mélange d’écrit et d’images. Ils échangent des textos bourrés de signes cabalistiques, les émoticônes, qui symbolisent visuellement leurs émotions. Mais aussi des photos avec texte et dessins associés, parfois tracés au doigt sur l’écran tactile. Ou encore des vidéos très courtes et des gifs, ces images animées. Tout cela grâce à Snapchat, Instagram ou Vine, les applications de leurs téléphones mobiles.

Le smartphone, dont ils sont massivement équipés, est devenu pour eux l’équivalent du stylo. Leur activité préférée, après l’échange de SMS, consiste à prendre des photos et à les partager. C’est une déferlante. Ils délaissent Facebook au profit des réseaux sociaux et messageries instantanées dédiés à l’échange de ces images. La messagerie instantanée Snapchat est leur temple, celui de la culture LOL : ils s’y mettent en scène, manient l’humour potache, tout est permis. Certains ados envoient des dizaines de Snapchat par jour. Ils photographient et postent tout, tout le temps, comme ils respirent. Ils sortent de chez eux, photographient leurs pieds qui marchent dans la rue. Et postent : « Je vais m’acheter un croissant et je te retrouve après. »

Sur le réseau social Instagram, ils se mettent davantage en valeur à travers des selfies retouchés à l’aide de filtres. C’est la vitrine léchée d’un monde joyeux et esthétisant. C’est également le lieu des déclarations d’amitié et d’amour. Et dans leurs textos, ils placent toujours des émoticônes, tirés de bibliothèques toujours plus étoffées. Ces petits dessins fournissent une clé de lecture du message, ils l’enveloppent, lui donnent de l’affect. Un SMS sans émoticône est perçu comme violent, comme s’il y avait une tension, que la personne était contrariée. Si jamais, en plus, il y a un point à la fin de la phrase, c’est que le problème est grave !

 

Snapchat

Snapchat

Pourquoi ce recours massif aux images dans l’expression des ados ?

Il y a bien sûr la facilité de l’outil, le smartphone, qu’ils ont toujours à la main, qui renferme tout leur univers et qui permet de prendre des photos. Cette génération baigne, depuis sa naissance, dans la culture de l’image. Elle a pu photographier très facilement dès son plus jeune âge. C’est donc devenu un mode d’expression spontané, naturel, massif, qui structure son rapport au monde.

Certains ados prennent même des photos qui ne sont pas destinées à être montrées mais nourrissent leur dialogue intérieur, comme ils écriraient un journal intime. Pour eux, l’image est ce qu’il y a de plus approprié pour exprimer un état émotionnel. Et elle intensifie le rapport aux autres. Nous, nous passions des heures au téléphone en rentrant du lycée, eux gardent le lien en envoyant des photos. Une façon de prendre la parole à la première personne, de signifier leur présence à l’autre.

C’est pour eux le mode d’expression le plus efficace parce qu’ils ont cette culture commune. La teneur émotionnelle du message sera immédiatement comprise par le destinataire. Les ados n’écrivent jamais « J’ai passé mon aprem à faire du volley avec les copains », ils envoient un selfie d’eux au milieu de ces copains et du terrain. C’est plus facile et plus ludique. C’est de l’image conversationnelle qui est là avant tout pour entretenir le lien et susciter une réaction. Dans un second temps seulement, elle joue sa fonction de garant du souvenir.

Est-ce que le « pic speech », comme le « verlan » d’antan, permet de se distinguer des aînés ?

Oui, bien-sûr, les ados ont inventé une langue qui leur est propre, qui leur permet d’échapper au contrôle des adultes et d’affirmer leur appartenance à un groupe. Sur Facebook, où ils savent que les adultes vont, ils mettent peu de photos en ligne ou alors uniquement pour leur groupe d’amis. S’ils se déplacent vers Snapchat ou Instagram, c’est bien parce que c’est là que se trouve leur territoire, leur bulle. Ils sont par exemple passés maîtres dans l’art de conserver (« screener ») les images éphémères.

Les parents ne comprennent rien à cette culture LOL, à ces messages remplis d’émoticônes. C’est un langage plus complexe qu’il n’y paraît, avec énormément de règles implicites, qui nécessite un apprentissage et évolue du collège au lycée. Il est aussi bien plus créatif qu’on le pense. Sur Snapchat, certains ados sont capables de raconter une histoire à travers une succession de photos, comme dans un diaporama. Quand ils parlent, quand ils écrivent, les profs, les parents leur disent « On ne dit pas ça, on n’écrit pas ça ». Là, ils ont une page blanche, un espace de liberté, qui plus est de dimension mondiale.

Pic Speech infographie

Pic Speech infographie

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