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Le Monde : L’image, nouveau langage des ados

15 juin 2015
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Article du Monde

Par Pascale Krémer – Article paru dans Le magazine du Monde le 9 mars 2015

Pour en savoir +
http://www.lemonde.fr/m-amour-consequences/article/2015/03/05/l-image-nouveau-langage-des-ados_4588247_4497959.html

Vous expliquez que les jeunes gens nés depuis 1995, donc avec Internet, et connectés en permanence via leur téléphone portable, ont développé une nouvelle langue. En quoi consiste-t-elle ?

Les ados manient désormais une langue particulière que j’appelle le pic speech (pour picture speech), un langage des images au sens large, qu’on pourrait aussi appeler « Parlimage ». C’est un mélange d’écrit et d’images. Ils échangent des textos bourrés de signes cabalistiques, les émoticônes, qui symbolisent visuellement leurs émotions. Mais aussi des photos avec texte et dessins associés, parfois tracés au doigt sur l’écran tactile. Ou encore des vidéos très courtes et des gifs, ces images animées. Tout cela grâce à Snapchat, Instagram ou Vine, les applications de leurs téléphones mobiles.

Le smartphone, dont ils sont massivement équipés, est devenu pour eux l’équivalent du stylo. Leur activité préférée, après l’échange de SMS, consiste à prendre des photos et à les partager. C’est une déferlante. Ils délaissent Facebook au profit des réseaux sociaux et messageries instantanées dédiés à l’échange de ces images. La messagerie instantanée Snapchat est leur temple, celui de la culture LOL : ils s’y mettent en scène, manient l’humour potache, tout est permis. Certains ados envoient des dizaines de Snapchat par jour. Ils photographient et postent tout, tout le temps, comme ils respirent. Ils sortent de chez eux, photographient leurs pieds qui marchent dans la rue. Et postent : « Je vais m’acheter un croissant et je te retrouve après. »

Sur le réseau social Instagram, ils se mettent davantage en valeur à travers des selfies retouchés à l’aide de filtres. C’est la vitrine léchée d’un monde joyeux et esthétisant. C’est également le lieu des déclarations d’amitié et d’amour. Et dans leurs textos, ils placent toujours des émoticônes, tirés de bibliothèques toujours plus étoffées. Ces petits dessins fournissent une clé de lecture du message, ils l’enveloppent, lui donnent de l’affect. Un SMS sans émoticône est perçu comme violent, comme s’il y avait une tension, que la personne était contrariée. Si jamais, en plus, il y a un point à la fin de la phrase, c’est que le problème est grave !

 

Snapchat

Snapchat

Pourquoi ce recours massif aux images dans l’expression des ados ?

Il y a bien sûr la facilité de l’outil, le smartphone, qu’ils ont toujours à la main, qui renferme tout leur univers et qui permet de prendre des photos. Cette génération baigne, depuis sa naissance, dans la culture de l’image. Elle a pu photographier très facilement dès son plus jeune âge. C’est donc devenu un mode d’expression spontané, naturel, massif, qui structure son rapport au monde.

Certains ados prennent même des photos qui ne sont pas destinées à être montrées mais nourrissent leur dialogue intérieur, comme ils écriraient un journal intime. Pour eux, l’image est ce qu’il y a de plus approprié pour exprimer un état émotionnel. Et elle intensifie le rapport aux autres. Nous, nous passions des heures au téléphone en rentrant du lycée, eux gardent le lien en envoyant des photos. Une façon de prendre la parole à la première personne, de signifier leur présence à l’autre.

C’est pour eux le mode d’expression le plus efficace parce qu’ils ont cette culture commune. La teneur émotionnelle du message sera immédiatement comprise par le destinataire. Les ados n’écrivent jamais « J’ai passé mon aprem à faire du volley avec les copains », ils envoient un selfie d’eux au milieu de ces copains et du terrain. C’est plus facile et plus ludique. C’est de l’image conversationnelle qui est là avant tout pour entretenir le lien et susciter une réaction. Dans un second temps seulement, elle joue sa fonction de garant du souvenir.

Est-ce que le « pic speech », comme le « verlan » d’antan, permet de se distinguer des aînés ?

Oui, bien-sûr, les ados ont inventé une langue qui leur est propre, qui leur permet d’échapper au contrôle des adultes et d’affirmer leur appartenance à un groupe. Sur Facebook, où ils savent que les adultes vont, ils mettent peu de photos en ligne ou alors uniquement pour leur groupe d’amis. S’ils se déplacent vers Snapchat ou Instagram, c’est bien parce que c’est là que se trouve leur territoire, leur bulle. Ils sont par exemple passés maîtres dans l’art de conserver (« screener ») les images éphémères.

Les parents ne comprennent rien à cette culture LOL, à ces messages remplis d’émoticônes. C’est un langage plus complexe qu’il n’y paraît, avec énormément de règles implicites, qui nécessite un apprentissage et évolue du collège au lycée. Il est aussi bien plus créatif qu’on le pense. Sur Snapchat, certains ados sont capables de raconter une histoire à travers une succession de photos, comme dans un diaporama. Quand ils parlent, quand ils écrivent, les profs, les parents leur disent « On ne dit pas ça, on n’écrit pas ça ». Là, ils ont une page blanche, un espace de liberté, qui plus est de dimension mondiale.

Pic Speech infographie

Pic Speech infographie

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Forum d’Avignon, culture is future : « Parlez-vous pic speech ? »

14 juin 2015
Site web du Forum d'Avignon - article sur le Pic speech

Site web du Forum d’Avignon – article sur le Pic speech

Pour en savoir +

http://www.forum-avignon.org/fr/parlez-vous-le-pic-speech

La nouvelle langue des générations Y et Z Le « Pic Speech », c’est ainsi que Thu Trinh-Bouvier a baptisé cette langue du métissage culturel pratiquée par les jeunes d’aujourd’hui. Dans son ouvrage intitulé  » Parlez-vous Pic speech ? », l’auteure nous livre une étude sociologique sur la manière dont les générations Y et Z défrichent et inventent un mode de communication dans laquelle l’image est le vecteur central de leurs échanges.

Thu Trinh-Bouvier décode cette nouvelle syntaxe visuelle qui mixe photographies, « émoticônes », courtes vidéos, dessins et commentaires. Loin de l’idée qu’on peut se faire d’un appauvrissement du langage des jeunes et de leur isolement, seuls devant leurs écrans, cette étude dévoile la richesse et la complexité de cet idiome en perpétuelle évolution, qui intensifie les liens affectifs tissés entre eux. Expression de leurs valeurs et de leurs visions joyeuses sur le monde, spontanéité de leurs manifestations, cette langue exprime surtout des engagements identitaires où l’émotion constitue le moteur créatif.

Cette étude propose une grille d’analyse pour mieux comprendre cette nouvelle forme d’expression qui se développe notamment sur Instagram, Snapchat, Vine, Facebook, Twitter, dans les sms et qui influence déjà notre manière de communiquer.

A propos, parlerions-nous le « Pic speech » sans le savoir ?

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Do you speak « Pic Speech » ?

The new language of the Y and Z generations The « Pic Speech » this is how Thu Trinh-Bouvier called this language of cultural melting pot spoke by youngsters today. In her book “Do you speak Pic Speech ? ” the author exposes a sociological study about the way Y and Z generations are precursors by inventing means of communication in which the picture is at the heart of their exchanges.

Thu Trinh-Bouvier deciphers this new visual syntax which is a mix of pictures, emoticons, short videos, drawings and comments. Contrary to the idea of an impoverishment of the youngsters’ language and isolation – facing their screens alone – this study reveals the cultural wealth and complexity of this idiom that keeps evolving, making the youngs’ affective links more intense. An expression of their values, their happy outlook on the world, spontaneity, above all this language stands for identity engagements in which emotion is the driving force.This study puts forward an analysis grid to understand better this new way to communicate they particularly used on Instagram, Snapchat, Vine,Facebook, Twitter and in text messages that already influences the way we communicate.

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Psychologies Magazine : les écrans de la béauté

6 mai 2015
Psychologie Magazine

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Dossier Psychologie Magazine

Dossier Psychologie Magazine

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http://www.psychologies.com/Beaute/Image-de-soi/Soin-de-soi/Articles-et-Dossiers/Reseaux-sociaux-ce-que-revelent-nos-photos-de-profil

Par Valérie Bauhain – article paru dans Psychologie Magazine de mai 2015

Se sentir belle, c’est aussi se voir belle. Et se montrer. À l’heure du tout images, comment jouer avec la sienne ? Analyse des nouveaux usages de la beauté numérique et conseils d’experts pour se mettre en scène sur les réseaux sociaux.

 

« A l’avenir, chacun aura son quart d’heure de célébrité. » Andy Warhol avait raison, à un détail près : ce sera sur le web. Au moment où le premier musée du selfie s’ouvre à Manille, aux Philippines, Serge Tisseron, psychiatre et psychanalyste, rappelle que « le désir de se montrer est fondamental à l’être humain, et il est antérieur à celui d’avoir une intimité ». L’an dernier, 1,8 milliard de photographies ont été partagées chaque jour dans le monde, soit cinq fois plus qu’en 2012 (Source : « Internet Trends 2014 », rapport annuel de Mary Meeker, KPCB, mai 2014), et on compte plus de 35 millions de selfies mensuels. Autant d’images qui nous permettent de construire notre identité numérique. Enjeu crucial : trouver notre « bon profil » ne suffit plus, l’essentiel est de trouver la bonne photo de profil. Être photogénique, ou plutôt apparaître comme tel sur Facebook ou Instagram, est devenu la norme.

Un vernis sur notre quotidien

La meilleure photo est-elle celle qui nous ressemble ? « Pas forcément, répond la psychanalyste Fabienne Kraemer. Le moi que l’on expose, même s’il est retouché, est l’image que l’on veut donner de soi. Le selfie, c’est une façon de maîtriser son image, mais aussi d’être en accord avec elle. » Avant d’être postée, chaque photo est soigneusement choisie, souvent retouchée et recouverte d’un filtre qui la patinera. Ces beautés virtuelles et multiples sont comme une seconde peau. Un vernis posé sur notre quotidien pour n’en faire ressortir que le meilleur, selon les codes propres à chaque plateforme. L’usage sur Facebook, par exemple, est de créer une succession des moments les plus enviables de notre vie – privée, le plus souvent. Sur Instagram, réseau de partage d’images, on se montre essentiellement derrière un filtre esthétisant. Résultat de cette automédiatisation à outrance, selon Fabienne Kraemer : « On essaye de se voir plus beau que l’on est pour mieux s’aimer. »

Mais, à force de jouer avec son apparence, la réalité sans filtre peut devenir difficile à accepter. Sophie, juriste de 38 ans, a confié à un photographe le soin de réaliser sa photo de profil pour le réseau professionnel LinkedIn, afin d’aider sa recherche d’emploi à aboutir. « Je suis une grande adepte des selfies, donc je maîtrise assez bien mon image. Mais là, je voulais en proposer une professionnelle pour mettre toutes les chances de mon côté », précise la jeune femme. Le résultat de la séance n’a pas vraiment été celui escompté. « Quand le photographe m’a envoyé sa sélection, je me suis effondrée, confie-t-elle. J’ai pleuré à chaudes larmes pendant près d’une heure : j’avais l’impression que ce n’était pas moi, je ne me reconnaissais pas. Avec le recul, je me suis rendu compte que cette photo me renvoyait inconsciemment à ma position de chômeuse. »

Réécrire le film de sa vie

Mise en ligne, notre image pourra ensuite être validée par le cercle de nos amis au travers de « j’aime » et de commentaires. À chaque photo son filtre et une nouvelle facette de notre personnalité digitale. « La beauté numérique pourrait se définir par le fait de tricher tout le temps, poursuit Fabienne Kraemer, dans un faux monde où l’on s’invente une vie pour fuir la banalité du quotidien. On choisit de mettre en scène les moments de sa vie privée dont on veut que les autres se souviennent. Il n’y a pas tant de différence avec les anciens albums photo, seule l’exhibition pousse un peu plus l’exigence. »

Toutes les tonalités données à notre image sont-elles pour autant un déguisement ? Au fond, n’est-ce pas comme dans la vie, où l’on joue avec nos vêtements pour, certains jours, être plus sophistiqué ou (avoir l’air) plus sportif ? « Ça marche en effet un peu comme un vestiaire, confirme Yann Leroux, psychologue, psychanalyste et geek assumé. Des éléments de soi sont testés sur les réseaux et, s’ils sont validés par la communauté, ils seront intégrés à sa propre représentation. Certaines personnes y seront par exemple plus vantardes ou plus généreuses que dans la vraie vie. Finalement, c’est un moyen intéressant de continuer à se découvrir. » Le changement est majeur, car « l’identité n’est plus une propriété privée de l’individu […], écrit Serge Tisseron dans un article sur l’image de soi et les réseaux sociaux. Elle est une fiction tributaire des interactions entre un groupe de personnes, et donc chaque fois différente ». Même si elle n’est pas le reflet fidèle de la réalité, cette vie en ligne a une véritable influence sur notre vie IRL (in real life, « dans la vie réelle »), comme disent les Anglo-Saxons. « Nous agissons conformément aux images de nousmêmes que nous portons en ligne, complète Yann Leroux. Ce n’est pas une comédie, et les conséquences sont immédiates sur notre comportement, notre personnalité. »


Des clichés qui parlent

Ce flux continu de publications visuelles assorties de smileys, de commentaires parfois directement insérés dans l’image, comme le propose l’appli de partage de photos et de vidéos Snapchat, devient une langue à part entière. « Pour démarrer la semaine, j’aime bien poster un selfie joliment mis en scène, révèle Laurène, 34 ans. Ça m’amuse, et puis je trouve que c’est plus parlant pour raconter mon état d’esprit. C’est une façon de me motiver et de faire circuler ma bonne humeur. » Les images seraient-elles en train de remplacer les mots ? Pour Fabienne Kraemer, « la parole est aujourd’hui dépassée par l’image. Nous avons à notre disposition différentes façons de communiquer : je crois qu’on peut même faire des lapsus photo ».

Ce flux de représentations de nous sert bien sûr à être visibles, mais aussi à communiquer nos émotions, nos états d’âme, à donner des nouvelles… « Je vais bientôt partir en vacances, raconte Corine, 45 ans, et je sais déjà que je posterai des photos de moi pour échanger avec mes proches. Je ne m’en vais qu’une semaine, donc je n’appellerai sûrement pas mon fils, mais on échangera quelques “like” et des commentaires : ce sera comme si on avait discuté. » Le principe d’images conversationnelles – c’est le phénomène du pic speech (qu’on pourrait traduire par « parlimage ») – est une pratique courante chez les adolescents, mais pas seulement. « Pour moi, ce nouveau langage n’implique pas seulement la photo, précise Thu Trinh-Bouvier, auteure de Parlez-vous pic speech ? (Éditions Kawa, 2015). Il est aussi constitué d’émoticônes, de dessins sur Snapchat, de vidéos et, bien sûr, de texte. C’est un message où l’image est au premier plan, mais mêlée à d’autres médias. » Poster un selfie, c’est dire « je ». Nos images sont en fait une vraie prise de parole, un vecteur de partage, et pas seulement l’expression d’un désir égoïste d’exposer sa beauté numérique.

 

Illustration : photo de la fin de l’article de Psychologie magazine

Dossier Psychologie Magazine

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La Tribune de Genève : Les 14 à 23 ans créent leur propre jargon, le «Pic speech»

27 avril 2015
Tribune de Genève

Tribune de Genève

Article de Rebecca Mosimann paru dans la Tribune de Genève le 27 avril 2015

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http://www.tdg.ch/savoirs/Les-14-a-23ans-creent-leur-propre-jargon-le-Pic-speech/story/26959556

Instagram, Snapchat, Facebook ou encore WhatsApp: sur les réseaux sociaux comme sur les applications mobiles, les 14 à 23 ans créent leur propre langage: vidéos de quelques secondes, photos éphémères, smileys qui éclatent de rire ou en sanglots sont autant d’outils à disposition pour exprimer leurs émotions, loin des formes d’échange de leurs parents. La Française Thu Trinh-Bouvier, sociologue de formation et experte en communication digitale, propose une grille de lecture pour mieux appréhender cette nouvelle forme d’expression, qu’elle nomme Pic speech.

Qu’entendez-vous par Pic speech?
C’est le nom que j’ai donné à ce nouveau langage utilisé actuellement par les jeunes de 14 à 23 ans. Via les smartphones, il permet d’être en lien en permanence et de manière très intense à travers une communication centrée sur l’image. Grâce aux applications mobiles et aux réseaux sociaux, les jeunes explorent d’autres formes d’expression avec le plaisir de mélanger différents types de contenus, comme des vidéos courtes, des images auxquelles ils ajoutent du texte ou du dessin.

L’image a-t-elle surpassé le texte?
Je ne serai pas aussi catégorique que ça. J’ai plutôt l’impression qu’il y a un lien très étroit entre l’un et l’autre. Lors de mes entretiens, beaucoup de jeunes m’ont dit que le mot était important, qu’il contextualisait l’image de manière simple. Sur Instagram, par exemple, en géolocalisant l’endroit pris en photo, le texte apporte une information complémentaire dans la légende.

Comment les jeunes utilisent-ils les émoticônes?
Ils sont là pour dire dans quel état d’esprit et d’humeur on envoie le message. Ils accompagnent le texte et lui donnent une tonalité affective. Parfois, un SMS sans émoticône peut être interprété comme agressif. On constate à quel point leurs échanges sont chargés émotionnellement.

Quelles sont les applications les plus en vogue chez les adolescents?
On a constaté ces derniers mois l’explosion de Snapchat. Elle permet d’envoyer des images éphémères. Chaque application a son univers esthétique. Snapchat repose sur l’humour potache. L’expression y est spontanée. Pour certains, il remplace même les SMS.

Ce nouveau langage est-il une tentative d’émancipation?
Oui, il s’inscrit dans une recherche d’autonomie et d’un espace d’expression avec ses propres règles. Il n’est pas toujours compris des adultes, qui peuvent le regarder avec condescendance, car les jeunes ont parfois un rapport décomplexé avec l’orthographe ou la grammaire.

Quel rôle joue Facebook?
Selon une récente étude américaine, il reste le principal réseau de la représentation sociale au sens large, qui peut inclure les parents et la famille. Sur les messageries instantanées de type Instagram et Snapchat, où les adultes sont moins présents, les jeunes instaurent une relation plus personnelle au sein de leurs groupes, avec leur propre mode d’expression.

Leur rapport au corps apparaît décomplexé, notamment avec l’usage effréné des selfies.
Ils maîtrisent progressivement les représentations d’eux-mêmes. L’apprentissage se fait entre le collège et le lycée. Les plus jeunes ont tendance à poster sur Facebook beaucoup de selfies. Les jeunes filles organisent d’ailleurs des séances shooting ensemble. En grandissant, il y a une prise de conscience et un contrôle de son image. Certains demandent de retirer des photos ou de ne pas mentionner leur nom sous un cliché posté sur Facebook.

Y a-t-il autant d’autodérision que de narcissisme?
Oui. Ils explorent ces deux parties d’eux-mêmes: à travers l’humour ou au contraire avec un côté très esthétisant dans le traitement des photos, en utilisant des filtres par exemple. Ils sont conscients que s’ils se montrent toujours sous leur meilleur jour, on peut aussi se moquer d’eux. Ce regard décalé sur eux-mêmes se traduit par des selfies avec des grimaces ou des duckfaces (ndlr: moues imitant le bec d’un canard).

Quelles sont les règles qui régissent leur communauté?
Comme ils sont toujours à la limite du privé et du public, un des facteurs déterminants est la confiance. C’est à partir de ce critère qu’ils vont ou non envoyer une photo décomplexée ou personnelle via Snapchat à leur meilleur ami. Ils créent ainsi des cercles plus ou moins proches d’amis dans ce rapport de confiance. Beaucoup d’entre eux m’ont dit qu’ils gardaient aussi un grand nombre de photos pour eux, comme un journal intime. Il existe ainsi une relation très personnelle à l’image, qui nourrit un dialogue intérieur. (TDG)

 

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http://www.tdg.ch/savoirs/Les-14-a-23ans-creent-leur-propre-jargon-le-Pic-speech/story/26959556

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